Pseudococcus sp.
Cet article a été rédigé pour le bulletin trimestriel de l'association Société d'Orchidées Loire Océan et publié dans le numéro 81.
Présentation générale
Fig. 1 : Photographie d'une cochenille farineuse (Pseudococcus sp.)
Les cochenilles sont des petits insectes parasites des végétaux c'est-à-dire qu’ils vivent aux dépends du métabolisme des plantes. Le parasitisme est une interaction durable dans le temps dans laquelle le parasite vit aux dépens de son hôte. L’hôte subit plus ou moins de dommages ne conduisant pas toujours à la mort. Il peut s’agit d’une diminution des performances physiologiques de la plante, d’une augmentation de sa sensibilité aux maladies ou d’une diminution de sa résistance aux prédateurs. La cochenille est un ectoparasite, la plante hôte est utilisée comme un habitat et une source de nourriture.
Fig. 2 : Photographie d'une cochenille farineuse
(Pseudococcus sp.)
On la retrouve notamment très souvent sur les tiges d’orchidées, ou cachées derrières les pétales et sépales des fleurs. En culture dans nos habitations ou nos serres, on observe souvent des espèces de cochenilles farineuses (Pseudococcus sp.), des cochenilles à carapace (Pulvinaria sp.) et des cochenilles à bouclier (Diaspididae sp.)
Morphologie
Fig. 3 : Morphologie simplifiée d’une cochenille femelle en vue ventrale
Les cochenilles sont des insectes de petites tailles qui parfois n’atteignent pas le millimètre et dont les plus grands représentants mesurent 5 millimètres. Ce sont des insectes à fort dimorphisme sexuel, c'est-à-dire qu’on constate une grande différence de morphologie externe entre les mâles et les femelles.
Le mâle adulte possède des ailes : une paire d’ailes antérieures et une paire d’ailes postérieures qui a régressé en paire d’haltères. Les haltères sont aussi appelées « balancier » et forment un organe stabilisateur permettant de coordonner les mouvements de l'aile au cours du vol. Le mâle n’a pas de pièces buccales et sa longévité est très réduite (quelques jours maximum). Ainsi, le mâle est mobile contrairement à la femelle qui ne peut pas bouger, sauf chez Pseudococcus sp..
Les femelles sont des organismes suceurs de sève et possèdent pour cela des pièces buccales de type piqueurs. Le tégument des femelles possède des organes glandulaires pouvant sécréter de la cire blanchâtre, de la laque ou de la soie. Certaines ont un corps mou, sans bouclier protecteur et se protègent sous ces filaments cireux. C’est le cas des cochenilles farineuses (Pseudococcus sp.). D’autres ont un corps mou, couvert d'un boulier protecteur cireux, ce sont en général des cochenilles de l’ordre des Diaspididés. Ces cochenilles, dites « à boucliers », s’attaquent aux arbres fruitiers et ornementaux comme le pommier, le poirier, l’olivier, les agrumes, le noyer, le laurier-rose mais aussi à certaines plantes d’intérieur comme les plantes grasses et les cactus. D’autres encore, les cochenilles à carapaces sévissent à l’abri comme à l’extérieur. Ce sont des espèces qui produisent du miellat, un liquide sucré et collant qui peut servir à certaines espèces de fourmis pour se nourrir. Les cochenilles forment d’importants amas blanchâtres et cotonneux permettant de les protéger elles et leurs pontes (Fig. 4).
Fig. 4 : Morphologie simplifiée d’une cochenille femelle en vue latérale
Invasion urbaine
On constate une pullulation de plus en plus importante des cochenilles en dehors de leur milieu naturel, notamment en climat urbain et périurbain, sur tous les continents. Ce phénomène est mal compris, cependant on suspecte certains facteurs de favoriser cette invasion. La prolifération des cochenilles peut être engendrée par l’affaiblissement d’une plante, à la suite d’un manque d’eau ou de son exposition à des polluants urbains, mais surtout par la diminution des populations de leurs prédateurs naturels. Ces prédateurs sont notamment certaines espèces de coccinelles et leurs larves, les larves de Syrphidés, les chenilles de Pyramidés et les micro-hyménoptères (eux-même parasites naturels des cochenilles). La régression de ces prédateurs en milieu urbain et les phénomènes de disparitions locales s'expliquent par l’augmentation générale du taux de pesticides et des polluants atmosphériques.
Invasion des cultures d’orchidées
L’arrivée des cochenilles
L’arrivée d’une nouvelle plante contaminée par des cochenilles adultes ou simplement des oeufs qui auraient été transportés par le vent à partir de plantes contaminées en jardinerie peuvent être les éléments déclencheurs d’une invasion de cochenilles dans votre collection. Les conditions favorables à leur installation sembleraient être un milieu chaud et humide, ce qui expliquerait leur prolifération jusqu’à 8 générations dans les serres. Cependant, de par leur présence installée dans tout le continent européen, il n’est pas impossible qu’elles puissent s’adapter aux conditions tempérés de nos habitations.
Le processus de parasitisme
Les cochenilles vont choisir de s’installer dans les zones le plus tendres de la plante, où l’épiderme est le moins épais, afin que leur pièces buccales puissent facilement le perforer et atteindre les faisceaux conducteurs de la sève dont elles se nourrissent (Fig.6). Ce sont des insectes piqueurs qui ont donc la particularité de pouvoir percer les tissus végétaux grâce à leur rostre long et grêle pour aspirer les liquides internes l’aide de pièces buccales modifiées formant un organe que l’on appelle « stylet ». Le stylet est rabattu sous l’animal et fonctionne comme une gouttière. Ainsi les cochenilles, et surtout les espèces les plus petites, se fixent sur les jeunes feuilles en émergence parce que celles-ci sont plus tendres, plus faciles à percer, et bénéficient d’une arrivée constante de sève nécessaire pour leur croissance.
Certaines espèces de cochenilles ont une salive toxique et acide. Lorsqu’une plante est parasité par un grand nombre de cochenilles on peut voir apparaitre des tâches noires sur les feuilles parasitées, correspondant à des lésions des tissus végétaux causées par l’accumulation de toxines. La feuille finit souvent par jaunir, se nécroser ou dépérir jusqu’à la chute. Les jeunes feuilles parasitées auront tendance à être sous-développée et à se déformer autour de la piqure sous la pression de la dissymétrie exercée par le manque local de sève. La présence de cochenilles peut se déterminer par la présence d’une fine couche, blanche ou brun clair, dans les endroits fragiles de la plantes (insertion des feuilles et des pétales).
Les dangers d’un parasitisme par les cochenilles sur une orchidée sont donc la fragilisation de sa structure et de son développement par ponction importante de sève (qui est le conducteur des nutriments, des éléments de la respiration photosynthétique et l’organisateur d’un bon fonctionnement du métabolisme végétal), l’apparition de fumagines (maladies fongiques provoquées par des moisissures noires dues à des espèces de champignons qui se développent grâce au miellat excrétée par les cochenilles) entrainant une diminution de l’activité photosynthétique des plantes et donc un défaut de développement et l’introduction de virus dans la sève par la perforation des tissus.
La survie et la reproduction chez la cochenille
Les cochenilles sont dotées de boucliers et de protections cireuses qui jouent parfois le rôle de camouflage mais qui ont surtout une fonction de protection contre les prédateurs et la déshydratation. En se positionnant dans les recoins des plantes, les parasites sont aussi mieux cachés et profitent du ruissellement des eaux de pluies. C’est ce bouclier et ces fibres cireuses qui protègent les cochenilles et leurs oeufs en les rendant moins vulnérables aux pesticides externes. (Fig.5)
Quelques genres de cochenilles (comme la cochenille du pin maritime) sont capables de s’introduire dans la plante; sous les écorces, dans les noeuds des graminées ou sur des racines non visibles; afin de se protéger. D’autres espèces construisent un sac de protection au fil de leur croissance.
Cette croissance s’effectue en plusieurs étapes de développement ponctualisées par des mues. Les cochenilles connaissent trois principaux stades de développement : l’oeuf, la larve et l’adulte. La larve femelle est mobile, elle ne subit pas de métamorphoses, les larves ressemblent plus ou moins à des adultes miniatures, pour leur forme autant que pour leur mode de vie. Une fois adulte, la femelle est le plus souvent fixée et pond de nombreux œufs très petits, déposés sous ou derrière elle, dans un coussinet de cire blanche. Le mâle lui passe par cinq stades: des stades larvaires, puis les stades “pré-nymphe”, “nymphe” et enfin adulte. Les modes de fécondation et les taux de fécondité diffèrent en fonction des espèces mais aussi du contexte environnemental et écologique.
Fig. 5 : Photographie d'une cochenille farineuse (Pseudococcus sp.)
La cochenille, un nuisible ?
Bien que pour les horticulteurs la cochenille soit un fléau, ce n’est autre que l’Homme qui a ouvert la boite de Pandore en déséquilibrant le fragile équilibre qui s’établit naturellement entre les hôtes, les parasites et les prédateurs dans un écosystème. L’industrialisation, la globalisation des échanges, la pollution, l’utilisation de pesticides ont des conséquences directes sur des espèces qui ont un rôle majeur dans le contrôle des populations de parasites, que l’on nomme « nuisibles » ou « ravageurs ». L’Homme a tout aussi su trouver un intérêt économique à la cochenille puisque celle-ci est utilisée dans la production des laques ou de pigments colorés alimentaire ou industriels (le carmin par exemple).
La lutte chimique contre la cochenille, c'est-à-dire l’utilisation de pesticides avec de molécules de synthèses et des huiles de pétrole, est à oublier de par sa dangerosité pour l’environnement, les écosystèmes et la santé humaine. La lutte biologique est un bon moyen de résoudre les problèmes d’invasion de cochenille. Il s’agit d’utiliser des organismes vivants antagonistes aux ''nuisibles'' dont on veut se débarrasser. Ces « agents de lutte biologique » permettent de lutter contre les ravages et les maladies de culture. Les agents de lutte biologique contre l’invasion de cochenilles sont divisés en deux groupes principaux : les parasitoïdes et les prédateurs. Les parasitoïdes sont des organismes se développant sur ou à l’intérieur d’un autre organisme jusqu’à la mort de celui ci. Pour la cochenille, il s'agit principalement des Hyménoptères. La femelle insère un oeuf sous le corps de la cochenille, la larve de l’Hyménoptère éclot et se nourrit de la ponte de la cochenille. Les prédateurs, eux, se nourrissent de tous les stades de développement de la cochenille, de l’oeuf à l’adulte. L’utilisation combinée des prédateurs et des parasitoïdes permet d’une part de se débarrasser d’une invasion rapide (le prédateur joue un rôle de « nettoyeur de fond » dans le cas de grosses populations de ravageurs) et d'autre part d’empêcher l'explosion de la population de cochenille (le parasitoïdes colonise le milieu de façon stable et durable).